COSTAS TSOCLIS

En 1994, l’artiste grec Costas Tsoklis installe son «Arche» dans le parc Tournay-Solavay.

Costas Tsoclis par Costas Tsoclis

L’idée de l’Arche est née d’une crainte, lorsque en 19…, j’ai vu à Paris au Petit Palais, l’exposition de la collectif Dumesnil. Une exposition contenant des échantillons de toutes les cultures, de presque toutes les époques. Je me souviens à quel point le travail de ma génération, comparé à d’autres moments de l’histoire, m’a apparu inférieur, combien plus vide ! Alors j’ai décidé de sauvegarder à n’importe quel sacrifice ma barque personnelle de la vacuité de courants artistiques de l’époque. J’ai quitté Paris et je sus rentré dans mon pays (la Grèce), à la recherche de sucs et de raisons d’être aussi primitifs que possible, sans tenir compte des conséquences de cet acte sur ma carrière ou sur l’actualité de mon travail. Depuis je m’efforcer de revoir les choses à leur origine, en me retournant quand cela est nécessaire vers le passé et en utilisant ses réalisations lorsqu’il le faut. Je pense qu’aucune conquête du passé n’interdit l’avenir, et qu’aucun mélange de souvenirs et de moyens ne le dévie.

En automne 1990, voyageant sur le bateau de retour vers le passé, et regardant une mer sereine mais mystérieuse et menaçante, je me suis souvenu de Noé. Et je disais à l’architecte Nikos Hatzikiriakos combien ce vieillard avait été stupide d’avoir chargé son “Arche” de tous ces animaux, de tant de formes de vie définitives, privant ainsi la nature du potentiel de l’imprévu, du potentiel du changement. Et je disais qu’une celluel anonyme aurait pu cacher des formes de vie inattendues, des formes d’une vie probablement meilleure, que celles que nous connaissions déjà. Et je disais que vraiment, il n’y a pas chose plus mystérieuse, plus pleine de vie, plus apte à devenir symbole de l’avenir, qu’un œuf, produit du passé. Et je disais qu’à mon avis cet œuf aurait suffi pour éterniser la vie, promettant à lui seuil un monde nouveau. j’ai donc dit que je voulais construire mon ARCHE à moi, lui donnant une forme aussi élémentaire que parfaite et cacher dans ses entrailles non pas des germes de vie naturelle mais des extraits d’actes, de réflexions, des phénomènes et des évènements : un œuf qui pourrait contenir et un jour éclore un modèle spirituel d’une autre réalité.

Or Nikos Hatzikiriakos, fasciné par l’idée se chargea d’étudier lui-m^me les possibilités de sa réalisation. Alors moi, j’ai fait les dessins et lui, a trouvé les solutions statiques et a fait appel à une entreprise de construction en bois pour la réaliser.

Des morceaux de bois colorés provenant de vieilles barques qui avaient beaucoup voyagé ont adhéré comme des parasites sur la surface goudronnée. Des voix primitives de baleines sortaient des entrailles de l’ARCHE. Des voix existantes mais inconnues de beaucoup d’entre nous, des voix qui ne conversaient qu’avec les racines de notre existence. Les lumières de la salle se sont éteintes, elles ont disparu, et la seule lumière existante était celle qui sortait de l’intérieur de l’ARCHE par la fente entrouverte de l’un des deux pôles mobiles. Par cette fente on pouvait regarder à l’intérieur de l’ARCHE. Nous avons muré la grande porte de la galerie, l’entrée des visiteurs se faisait par une autre plus petite. Ainsi on se demandait comment cet objet énorme et étrange s’était glissé là. C’était comme s’il y était né et y avait grandi. La perplexité atteignait les limites de la crainte.

Mon œuvre a été livrée au public, un public ému, perdu, silencieux. Les larmes des gens qui n’avaient peut-être jamais pleuré devant un évènement plastique étaient ma récompense. Maintenant l’œuvre va être transférée à Bruxelles en tant que symbole de compréhension et de respect aux idées des autres, et, demain, lorsque son intérieur sera rempli de la pensée des 260 personnalités, elle sera installée quelque part, comme porteur de messages, comme symbole d’amitié. Un témoignage historique d’un moment de notre époque.

http://www.tsoclismuseum.gr/en/